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    Villa Marie Vassilieff
    Chemin de Montparnasse
    21 avenue du Maine

    75015 Paris
    +33.(0)1.43.25.88.32
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  • Journal de l’exposition
  • Groupe Mobile : retracer la vie sociale des oeuvres par la photographie

    Du samedi 13 février au samedi 2 juillet 2016

    Avec Yaacov Agam, Andrea Ancira (Pernod Ricard Fellow), Ellie Armon Azoulay, Kemi Bassene, Yogesh Barve, Kim Beom, Jean Bhownagary, Judy Blum Reddy, Constantin Brancusi, Alexander Calder, Luis Camnitzer, CAMP, Esther Carp, Clark House Initiative, Camille Chenais, Justin Daraniyagala, Jochen Dehn, Cristiana de Marchi, Max Ernst, Mitra Farahani, Joanna Fiduccia, Alberto Giacometti, Alberto Greco, Zarina Hashmi, Iris Haüssler, MF Hussain, Sonia Khurana, J.D. Kirszenbaum, Naresh Kumar, Emmanuelle Lainé, Laura Lamiel, Life After Life, Nalini Malani, V.V. Malvankar, Ernest Mancoba, Julie Martin & Billy Klüver, Henri Matisse, Tyeb Mehta, Adrián Melis, Marta Minujín, Martine Mollo, Juana Muller, Tsuyoshi Ozawa, Prabhakar Pachpute, Akbar Padamsee, Amol K Patil, Rupali Patil, Pablo Picasso, Edward Quinn, Nikhil Raunak, Man Ray, Krishna Reddy, Edward Ruscha, Gerard Sekoto, Suki Seokyeong Kang, Sumesh Sharma, Amrita Sher-Gil, Shunya, Francis Newton Souza, Pisurwo Jitendra Suralkar, Sharmeen Syed, Jiři Trnka, Marc Vaux, Marie Vassilieff, Georges Visconti, Susan Vogel, Emma Wolukau-Wanambwa, Caroline Zelnik et de nom­breux autres.

    Commissariat : Mélanie Bouteloup & Virginie Bobin
    Avec la com­pli­cité du Centre Pompidou, Musée National d’Art Moderne

    Bertrand Prévost, Réserve du Fonds Marc Vaux, 2015 (c) Centre Pompidou – Mnam – Bibliothèque Kandinsky.

    Ancien char­pen­tier formé à la pho­to­gra­phie suite à une bles­sure lors de la Première Guerre Mondiale, Marc Vaux com­mence dans les années 1920 à pro­me­ner sa cham­bre pho­to­gra­phi­que dans les ate­liers d’artis­tes de Montparnasse et de Paris, pro­dui­sant, jusqu’au début des années 1970, plus de 250 000 pla­ques de verre. Tenir entre ses doigts gantés une pho­to­gra­phie de Marc Vaux, dans les réser­ves du Centre Pompidou où le fonds repose depuis trente ans, c’est voir surgir les hors-champs de l’his­toire et du tra­vail des artis­tes, ceux que le pho­to­gra­phe a par­fois main­te­nus hors du cadre par une bande d’adhé­sif noir. C’est retrou­ver la trace d’œuvres dis­pa­rues pen­dant la Seconde Guerre Mondiale. C’est obser­ver les assem­bla­ges d’objets, d’images, de cou­pu­res de jour­naux qui cons­ti­tuent le pay­sage de l’artiste au tra­vail, mais aussi le mou­ve­ment de ses œuvres, posées au sol, super­po­sées, appuyées contre des murs qui ne sont pas encore des cimai­ses, plei­nes de vies jux­ta­po­sées en mon­ta­ges hybri­des et tran­si­toi­res, à la façon de ce que Constantin Brancusi appe­lait ses "grou­pes mobi­les".

    Le projet inau­gu­ral de la Villa Vassilieff prend pour point de départ l’explo­ra­tion du Fonds Marc Vaux afin de ré-exa­mi­ner, en dia­lo­gue avec des artis­tes contem­po­rains et des cher­cheurs asso­ciés, ces pho­to­gra­phies mais aussi leur contexte de pro­duc­tion et les
­ré­cits his­to­ri­ques qui leur sont atta­chés. Plutôt que de tendre vers l’idéal inat­tei­gna­ble d’une his­toire objec­tive et défi­ni­tive, nous vou­lons mettre en avant les pro­ces­sus d’enquête à l’œuvre dans la cons­ti­tu­tion de ces his­toi­res : lire, recou­per, déca­drer, confron­ter, remon­ter, creu­ser, diag­nos­ti­quer... Alors que le Centre Pompidou s’apprête à entre­pren­dre un vaste chan­tier de numé­ri­sa­tion du fonds, il s’agit d’une oppor­tu­nité unique d’accom­pa­gner l’inven­taire précis qui sera réa­lisé de ces mil­liers de pla­ques de verre, en cher­chant à ques­tion­ner le pro­ces­sus même de la patri­mo­nia­li­sa­tion au moment où elle se réa­lise en autant de gestes, mani­pu­la­tions, recondi­tion­ne­ments que de nou­vel­les prises de vues pho­to­gra­phi­ques. Que conser­ver ? Où entre­po­ser les pla­ques de verre ? Comment les nommer et les clas­ser ? Selon quels cri­tè­res ? Comment les remet­tre en cir­cu­la­tion compte tenu de l’infor­ma­tion si par­cel­laire connue sur nombre d’entre elles ? Comment favo­ri­ser des croi­se­ments fruc­tueux avec d’autres res­sour­ces elles aussi iso­lées dans d’autres réser­ves ? Par où com­men­cer ?
    A l’heure où une remise en ques­tion des modes d’accès (intel­lec­tuels, géo­gra­phi­ques, économiques) au savoir s’impose, il s’agit d’ima­gi­ner des formes de tra­vail col­lec­ti­ves et intui­ti­ves, qui excè­dent les limi­tes dis­ci­pli­nai­res et le seul champ aca­dé­mi­que, fas­sent la part belle aux inter­pré­ta­tions sin­gu­liè­res et affir­ment le rôle de l’art comme zone de contacts pour la société.


    L’expo­si­tion inau­gu­rale de la Villa Vassilieff, inti­tu­lée Groupe Mobile, pro­pose au visi­teur une double immer­sion : dans le Fonds Marc Vaux et dans le pro­ces­sus de réno­va­tion de la Villa Vassilieff. Nous avons ainsi choisi de faire dia­lo­guer un cer­tain nombre de pho­to­gra­phies et d’objets récol­tés le long de cette année écoulée à pré­fi­gu­rer la Villa Vassilieff. À tra­vers le prisme de la pho­to­gra­phie, Groupe Mobile entend des­si­ner les contours d’une ins­ti­tu­tion dési­reuse de remet­tre en mou­ve­ments l’his­toire de l’art comme une dis­ci­pline encore trop ancrée — spé­cia­le­ment en France — dans l’euro­cen­trisme et le poids de l’Académie. Dans le pro­lon­ge­ment d’une conver­sa­tion avec le direc­teur des Ateliers Beaux-Arts de la Ville de Paris (dont un des sites nous est voisin à Montparnasse), au cours de laquelle il nous fai­sait part de son sou­hait de s’éloigner de la tra­di­tion aca­dé­mi­que à la fran­çaise, nous avons choisi de ras­sem­bler à la Villa Vassilieff quel­ques œuvres trou­vées dans les ate­liers Montparnasse, comme une ten­ta­tive de leur faire faire l’école buis­so­nière.

    Le cri exprimé dans la vidéo de Kim Beom vient sou­li­gner — non sans ironie — cette volonté de se libé­rer du poids de la tra­di­tion basée sur une appré­cia­tion encore majo­ri­tai­re­ment for­melle de l’œuvre d’art, perçue comme un pro­duit fini et non comme le fruit d’un pro­ces­sus. C’est également ce que l’artiste Luis Camnitzer vient défen­dre dans Groupe Mobile, lui qui s’engage dans l’ensei­gne­ment et la péda­go­gie pour qu’ils ne soient jamais sépa­rés de la vie. Write the bio­gra­phy of an idea invite ainsi les visi­teurs à réflé­chir au che­mi­ne­ment des idées et des œuvres, à en trans­for­mer l’appré­hen­sion. C’est aussi le leit­mo­tiv ayant guidé le choix d’inclure le film Étoile de mer de Man Ray. Avec pour com­plice Kiki de Montparnasse, Man Ray y per­turbe les codes conven­tion­nels de la per­cep­tion. En fil­mant la plu­part de ses per­son­na­ges à tra­vers une vitre épaisse, il les brouille et nous incite à faire tra­vailler notre regard. Groupe Mobile favo­rise ainsi des com­pa­gnon­na­ges qui, s’ils peu­vent sem­bler au pre­mier abord inso­li­tes ou ana­chro­ni­ques, nous aident à repen­ser notre rap­port aux œuvres et aux idées.

    C’est par la vue d’expo­si­tion, la pho­to­gra­phie de l’œuvre d’art ou de l’artiste, ou encore la recons­ti­tu­tion d’après archi­ves qu’un élargissement de la focale d’obser­va­tion sur l’œuvre peut s’opérer et englo­ber des don­nées socia­les, économiques voire poli­ti­ques. L’incroya­ble épopée d’une sculp­ture Fang racontée par Susan Vogel dans un court film de 8 minu­tes pro­pose un résumé des trans­for­ma­tions subies par les œuvres d’art au gré des époques et des modes. On voit ainsi l’œuvre, incluse dans son envi­ron­ne­ment, évoluer (ou bien plutôt perdre de sa per­son­na­lité comme en témoi­gne l’inter­ven­tion d’Emma Wolukau-Wanambwa) au fur et à mesure des contex­tes de pro­duc­tion dans les­quels elle se trouve insé­rée. Car il s’agit bien de cela, com­pren­dre la com­plexité des cir­cu­la­tions, des ren­contres en jeu dans la for­ma­tion et la vie des œuvres, comme l’appelle de ses vœux Edward Ruscha dans son texte L’infor­ma­teur. Et Montparnasse est un ter­rain d’enquê­tes qui nous offre un bon point de départ pour les étudier.

    De pre­miers coups de sonde dans le Fonds Marc Vaux nous ont ainsi donné accès à l’œuvre d’artis­tes comme Esther Carp, Pan Yuliang ou encore F.N. Souza, qui appa­rais­sent comme quel­ques-uns des por­traits de ce Paris cos­mo­po­lite. Les com­mis­sai­res de Clark House Initiative met­tent quant à eux en lumière les cir­cu­la­tions et les rela­tions (y com­pris amou­reu­ses) tis­sées entre artis­tes indiens et inter­na­tio­naux des années 60 à aujourd’hui, avec pour points de conver­gence Paris et le pein­tre, cinéaste, céra­miste, magi­cien, pro­duc­teur de films et hôte infa­ti­ga­ble Jean Bhownagary, qui fut en poste à l’UNESCO pen­dant prêt de qua­rante ans, et dont les œuvres peu­plent aujourd’hui tous les recoins de l’appar­te­ment qu’occupe encore sa fille, à Boulogne. Le tra­vail extra­or­di­naire mené depuis plu­sieurs années par Clark House Initiative pour repen­ser l’his­toire de l’art autre­ment, en marge des ins­ti­tu­tions muséa­les, tout en don­nant voix à de très jeunes artis­tes, nous semble d’une impor­tance cru­ciale. Disséminée à tra­vers l’expo­si­tion, la cons­tel­la­tion d’artis­tes et de maté­riaux qu’ils ont ras­sem­blée vient retra­cer et encou­ra­ger les rela­tions entre artis­tes et la migra­tion des idées, au gré de cir­cu­la­tions qui contre­di­sent une appro­che de la moder­nité euro-cen­trée et homo­gène.

    S’inté­res­ser au fonds Marc Vaux, c’est aussi s’atta­cher (s’atta­quer) aux points aveu­gles de l’his­toire de l’art, aux œuvres per­dues, aux artis­tes (femmes, notam­ment) absen­tées des récits hégé­mo­ni­ques ou can­ton­nées, comme Marie Vassilieff, aux rôles d’amies, de muses et d’hôtes­ses... C’est en partie grâce au Fonds Marc Vaux que Nathan Diament a pu retrou­ver la trace des œuvres de son grand-oncle, J.D. Kirszenbaum, éparpillées ou détrui­tes alors que le pein­tre fuyait la montée du nazisme à Berlin en 1933, puis le Paris occupé de 1940. Kirszenbaum est asso­cié à « l’Ecole de Paris », moins un mou­ve­ment qu’un « fait his­to­ri­que », soit le ras­sem­ble­ment, notam­ment à Montparnasse, de nom­breux artis­tes et intel­lec­tuels d’hori­zons géo­gra­phi­ques et sociaux très divers. Qu’ils soient de pas­sage ou qu’ils s’y ins­tal­lent dura­ble­ment, voir pren­nent la natio­na­lité fran­çaise, ceux-ci élaborent le lan­gage de moder­ni­tés poly­pho­ni­ques, réso­lu­ment trans­na­tio­na­les, et nour­ries d’his­toi­res indi­vi­duel­les ou d’enga­ge­ments poli­ti­ques trop sou­vent fondus dans la linéa­rité des récits offi­ciels.

    J.D. Kirszenbaum, Célébration de la Saint-Jean à São Paulo, 1952, FNAC 29874, Centre natio­nal des arts plas­ti­ques © droits réser­vés / CNAP / photo : Yves Chenot

    Il y a une part de spé­cu­la­tion dans le tra­vail sur l’archive. Même dans la pho­to­gra­phie, des blancs per­sis­tent et il ne s’agit pas de vou­loir tout retra­cer. La tâche est ardue, les maté­riaux sont par­fois dif­fi­ci­les d’accès, les infor­ma­tions contra­dic­toi­res, et les mémoi­res failli­bles ou dif­fi­ci­les à par­ta­ger, comme en témoi­gne le film de Adrián Melis mais aussi celui de Mitra Farahani sur Bahman Mohassess. La fic­tion entre par­fois en jeu comme une manière de réflé­chir aux métho­do­lo­gies de la recher­che en his­toire de l’art : voir le projet fou d’Iris Häussler autour de la vie d’une artiste fic­tive, Sophie La Rosière ou encore le tra­vail de Tsuyochi Ozawa ten­tant d’ima­gi­ner la pré­sence de Foujita en Indonésie pen­dant la seconde guerre mon­diale. Nous sou­hai­tons, en somme, pro­vo­quer l’his­toire et les chro­no­lo­gies offi­ciel­les, pour les remet­tre en ques­tion et faire le cons­tat qu’elles sont écrites selon des parti pris qu’il s’agit de connaî­tre. Evaluer leurs ombres et leurs lumiè­res, les jeux d’éclairage, comme sur les pho­to­gra­phies de Brancusi qui, dans ses « grou­pes mobi­les », inté­grait le point de vue mou­vant du spec­ta­teur à l’acte créa­teur. Les films réa­li­sés par Brancusi dans son ate­lier ont influencé Sonia Khurana qui, en sub­sti­tuant à la sculp­ture son propre corps, impose une figure autre, celle d’une femme, non-euro­péenne, aux formes géné­reu­ses et aux mou­ve­ments bur­les­ques, qui s’empare réso­lu­ment de l’espace de tra­vail et de repré­sen­ta­tion tra­di­tion­nel de l’art. Il ne s’agit plus ici de faire bouger la sculp­ture, mais bien de se mettre soi-même en mou­ve­ment, dans une dyna­mi­que d’émancipation.

    Scruter dans les pho­to­gra­phies — et sur­tout dans leurs marges — la vie sociale des œuvres et le mou­ve­ment qui les anime, c’est aussi obser­ver à tra­vers quels outils, gestes et lec­tu­res elle se forme. C’est prêter atten­tion à ce qui traîne dans l’ate­lier, à ce qui est col­lec­tionné (voir la pho­to­gra­phie d’Edward Quinn de l’ate­lier de Pablo Picasso), aux ren­contres qui s’y font, et puis s’en échapper pour suivre des pro­me­na­des, comme celle de Picasso et Cocteau à Montparnasse par une après-midi enso­leillée de juillet 1916, redé­cou­verte par Billy Klüver et Julie Martin au début des années 80. Les images prises par Harry Shunk de la des­truc­tion publi­que de ses œuvres par Marta Minujín, impasse Ronsin, ont contri­bué à cette his­toire de la docu­men­ta­tion, la cir­cu­la­tion et la « col­lec­tion » de per­for­man­ces, rejouant les cartes des rap­ports entre l’œuvre et sa repré­sen­ta­tion pho­to­gra­phi­que.

    Il y a tant de maniè­res de remet­tre en mou­ve­ment les œuvres d’art, et Groupe Mobile s’atta­che à cho­ré­gra­phier ces mul­ti­ples pos­si­bi­li­tés. Grâce au Fonds Marc Vaux, on peut obser­ver des œuvres dans des contex­tes inha­bi­tuels, comme les sculp­tu­res de Max Ernst pho­to­gra­phiées sur les toits de Paris. L’appa­reil photo est à même de capter dif­fé­ren­tes facet­tes de l’œuvre, de face, de dos, du des­sous, de côté… Les œuvres de Yaacov Agam et de Julio González se retrou­vent ainsi sai­sies depuis dif­fé­rents points de vue. Le mou­ve­ment de l’œuvre même se retrouve par­fois capté par l’objec­tif en une seule prise pho­to­gra­phi­que : les œuvres de Calder ont été ainsi para­doxa­le­ment immor­ta­li­sées dans le mou­ve­ment par Marc Vaux.

    Fonds Marc Vaux, 2015 (c) Centre Pompidou – Mnam – Bibliothèque Kandinsky.

    Pour Matisse, la pho­to­gra­phie était un outil pour mémo­ri­ser les dif­fé­rents états de réa­li­sa­tion de ses pein­tu­res. Marc Vaux se retrouva à pho­to­ga­phier ses séries expo­sées retra­çant le pro­ces­sus d’élaboration de ses œuvres. C’est ainsi que le fonds permet d’autres appro­ches de l’œuvre d’artis­tes que l’on consi­dère comme trop bien connus. L’expo­si­tion inclut des séries de Jean Bhownagary pour qui la plaque de bois ou de métal per­met­tait de tester dif­fé­ren­tes idées autour d’un même motif, créant autant de varia­tions et de co-pré­sen­ces. Cette idée du motif est cen­trale dans l’expo­si­tion. Des mêmes formes revien­nent de manière récur­rente, se dédou­blent et se modi­fient selon qu’elles sont repro­dui­tes sur dif­fé­rents sup­ports (Joanna Fiduccia retrace ainsi les appa­ri­tions et trans­for­ma­tions suc­ces­si­ves d’une sculp­ture d’Alberto Giacometti) ou qu’elles soient décli­nées par son auteur même à tra­vers des médiums variés, comme par exem­ple les fou­lards, les pote­ries, les gra­vu­res ou les aqua­rel­les de Jean Bhownagary. La répé­ti­tion n’est jamais vrai­ment répé­ti­tion, mais flux de créa­tion se nour­ris­sant sans cesse de diver­ses influen­ces.

    Un dessin de Bahman Mohassess figu­rant un de ses motifs les plus récur­rents — le pois­son — est exposé auprès d’artis­tes qu’il affec­tion­nait : Alexander Calder, Constantin Brancusi et Henri Matisse. A la marge, une cita­tion en réfé­rence à Warhol, grand maître de la répé­ti­tion et de la pro­li­fé­ra­tion de l’œuvre dans les recoins de la vie quo­ti­dienne — « au contact direct avec les gens et les choses » comme l’écrivait, bien qu’avec des moti­va­tions très dif­fé­ren­tes, Alberto Greco. Ce sont ces rela­tions entre des artis­tes si sou­vent sépa­rés dans le grand récit de l’his­toire de la moder­nité que Groupe Mobile cher­che à mettre en avant. Ernest Mancoba, par exem­ple, est un de ces artis­tes dont l’œuvre trans­pire des échanges dont il a pu faire l’expé­rience en voya­geant à tra­vers le monde.

    Il était impor­tant pour nous, dans le récit non linéaire que nous cher­chons à déplier dans Groupe Mobile, d’invi­ter des artis­tes à poser leur regard sur ce lieu, à l’habi­ter, dans un com­pa­gnon­nage res­pec­tueux de son his­toire, en ne cher­chant pas à le trans­for­mer mais à faire avec : Jochen Dehn le res­taure. Karthik Pandian et Paige K. Johnston (Life After Life) le peu­plent d’un mobi­lier animé. Laura Lamiel y trans­pose une ins­tance de son ate­lier et vient régu­liè­re­ment l’habi­ter. Suki Seokyang Kang y réa­lise une ins­tal­la­tion venant décou­per et reca­drer l’espace. Emmanuelle Lainé réa­lise un trompe l’œil spatio-tem­po­rel qui met en abîme les moda­li­tés de mise en scène de la pho­to­gra­phie, avec la com­pli­cité d’André Morin. Fruit de deux semai­nes de tra­vail à la Villa Vassilieff, Une méthode des lieux inclue à la fois des images tirées du fonds Marc Vaux, des frag­ments de l’amé­na­ge­ment en cours de la Villa Vassilieff et, pour la pre­mière fois dans son tra­vail, les corps de ceux qui y ont tra­vaillé, sus­pen­dus dans un moment de repos arti­fi­ciel qui n’est pas sans rap­pe­ler les poses des artis­tes por­trai­tu­rés par Marc Vaux. L’œuvre nous invite à un regard actif, qui doute des caté­go­ries assi­gnées (sculp­ture et/ou pho­to­gra­phie, dedans et/ou dehors) et des limi­tes entre tra­vail, rela­tions et repré­sen­ta­tion.

    Entretenir un doute cri­ti­que : faut-il regar­der la pho­to­gra­phie, ce qu’elle repré­sente, ou son dehors ? Il importe de se rap­pro­cher des œuvres en mul­ti­pliant les pers­pec­ti­ves, et sur­tout de les repla­cer au centre de la sphère publi­que et non plus uni­que­ment sur les murs ou les réser­ves des ins­ti­tu­tions. Observer le mou­ve­ment des œuvres et des artis­tes, en pro­vo­quer de nou­veaux, à tra­vers dif­fé­ren­tes tac­ti­ques : s’exer­cer sans cesse à un tra­vail de zoom, de dézoom, de mon­tage et de jux­ta­po­si­tions ; porter atten­tion aux marges et aux fron­tiè­res, sur­tout là où elles se défor­ment ; tester dif­fé­ren­tes moda­li­tés d’accro­chage, en impli­quant une mul­ti­pli­cité d’acteurs, qu’ils soient artis­tes, cher­cheurs, voi­sins… Nous avons ainsi tra­vaillé avec Camille Chenais et Ellie Armon Azoulay, deux cher­cheu­ses qui nous ont accom­pa­gné dans l’explo­ra­tion du fonds Marc Vaux, et nous avons aussi pro­posé aux mem­bres de l’équipe ayant tra­vaillé à la réno­va­tion de la Villa Vassilieff de témoi­gner de leur pas­sage par des sou­ve­nirs de leur choix.

    A partir de ces com­pa­gnon­na­ges, et de quel­ques tra­jec­toi­res croi­sées dans nos recher­ches, nous avons choisi de créer un par­cours dans les espa­ces de la Villa Vassilieff, pensée comme une maison dans laquelle il est pos­si­ble de pren­dre du temps, de lire ou de dis­cu­ter avec un invité de pas­sage, tout en gar­dant contact avec l’exté­rieur. L’enjeu, c’est que ces conver­sa­tions puis­sent essai­mer dura­ble­ment dans les pro­gram­mes des ins­ti­tu­tions et puis­sent se mul­ti­plier en dif­fé­rents lieux et en dif­fé­rents sens. C’est aussi de se connec­ter au quar­tier (comme avec les Ateliers Beaux-Arts de la Ville de Paris), à l’ensei­gne­ment, aux uni­ver­si­tés et aux écoles d’art, avec une nou­velle géné­ra­tion d’orga­ni­sa­tions citoyen­nes. En ali­men­tant des repré­sen­ta­tions et des usages moins exclu­sifs de notre patri­moine, la pos­si­bi­lité est plus forte de voir émerger des ini­tia­ti­ves indé­pen­dan­tes, ori­gi­na­les et non réduc­tri­ces.

    — Mélanie Bouteloup et Virginie Bobin

    Avec tous nos remer­cie­ments à Bernard Blistène, direc­teur du musée natio­nal d’art moderne, Catherine David, direc­trice adjointe du musée natio­nal d’art moderne, Didier Schulmann, conser­va­teur au musée natio­nal d’art moderne et chef de ser­vice de la Bibliothèque Kandinsky, Catherine Tiraby, docu­men­ta­liste des col­lec­tions pho­to­gra­phi­ques, Bibliothèque Kandinsky et Nathalie Cissé, coor­di­na­trice des prêts, Bibliothèque Kandinsky.

    À lire : l’arti­cle de Culturebox, La Villa Vassilieff : le nouvel éden des artis­tes à Montparnasse

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