La Permanence
- Montage de "La Permanence", septembre 2017. Image : Mathilde Assier
La Permanence
Dans le cadre de la résidence de Koki Tanaka (Pernod Ricard Fellow 2017)
Du 19 au 30 septembre 2017
Repiquer un plant de basilic, cirer l’escalier, discuter d’une exposition en cuisinant un repas, planifier un programme d’événements, prendre soin d’une oeuvre, régler une facture, nettoyer le bar… Autant d’activités essentielles à la vie d’une institution et pourtant invisibles, dissimulées, voire dévalorisées. Avec La Permanence, Koki Tanaka (Pernod Ricard Fellow 2017) choisit de remettre la vie et le travail quotidiens de l’équipe et de ses interlocuteurs (techniciens, artistes, professionnels divers, amis) au coeur de la vie publique de la Villa Vassilieff.
Depuis plusieurs années, Koki Tanaka assemble des collectifs temporaires autour d’activités qui s’efforcent de rendre visibles des situations habituellement ignorées de notre quotidien. Durant sa résidence dans le cadre du Pernod Ricard Fellowship, la Villa Vassilieff se transforme en « permanence », s’ouvrant à des artistes, commissaires, chercheurs/ses, philosophes, éducateurs/trices, militant-e-s ou encore étudiant-e-s pour déployer un certain nombre de conversations touchant à des sujets très variés, mais ayant tous en commun de s’interroger sur les possibles manières d’agir sur le monde dans lequel nous vivons, que ce soit à travers l’éducation, l’hospitalité ou encore l’écologie.
Chaque jour, du mardi au samedi de 11h à 19h, le public est invité à partager les espaces de la Villa Vassilieff avec un contingent de plantes vertes, de livres ouverts ou fermés, d’odeurs de cuisine, de vidéos de Koki Tanaka, l’équipe de permanence et ses différent-e-s invité-e-s, au gré de rencontres et d’ateliers annoncés ou improvisés.
NOTE D’INTENTION DE KOKI TANAKA
"Nous sommes à l’ère d’une nouvelle vague de nationalisme, de xénophobie et de conservatisme. Nous assis- tons à l’émergence de mouvements d’extrême droite en Europe, en Asie et aux États-Unis. Ironiquement, ces mouvements imitent les stratégies de la gauche. Ils émergent en tant que mouvements de mobilisation popu- laires. Ils se présentent comme un système démocratique, car ils se considèrent comme une majorité, afin de nier le multiculturalisme — l’acte de vivre avec quelqu’un qui pourrait venir d’un contexte totalement diffé- rent. La peur du terrorisme amène les gens à adopter une mentalité encore plus conservatrice. Et à la fin, il n’est pas aussi facile de distinguer entre « nous » et « eux ». Comment pouvons-nous, artistes, commissaires, critiques d’art, penser notre société et ses situations différemment ?
Mon projet pour la Villa Vassilieff consiste à créer un groupe, comme un groupe d’étude, pour provoquer des situations d’apprentissage entre et avec les uns et les autres. Afin d’imaginer la manière de former ce groupe, je me réfère à deux methodologies du passé : les groupes de résistants et les collectifs d’artistes.
Voici ce qu’on m’a raconté lors de mes rencontres à Paris : pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs groupes de résistants étaient actifs à Paris, alors que la ville était occupée par les nazis. Ces groupes étaient formés par des communistes, des travailleurs immigrés, des antifascistes. Les femmes étaient très actives dans les groupes de résistance, bien qu’elles n’aient pas le droit de vote et ne soient pas représentées dans les institutions politiques officielles. Ils se rencontraient dans des lieux ordinaires comme les laveries automa- tiques, les clubs de sport, des cafés ou des musées afin d’échanger leurs idées et leurs plans d’attaques ou peut-être juste pour profiter de leur compagnie mutuelle et parler librement dans des moments aussi sombres. Paris est une ville pour les artistes, mais aussi pour les collectifs d’artistes. Dans le passé, la ville a accueilli de nombreux artistes immigrés, des artistes demandeurs d’asile ou des étudiants étrangers en art, en les en- courageant à être artistes. Ces artistes ont formé des groupes ou ont lancé des mouvements. Ils ont discuté ensemble, ont bu ensemble, travaillé et exposé ensemble.
Je m’intéresse à ces deux types de groupes : des groupes clandestins (groupes de résistants), et des groupes plus souples et ouverts (collectifs d’artistes). J’aimerais m’y référer afin de repenser « notre » situation so- ciale à Paris, en Europe et dans le monde. Je propose de former un collectif d’artistes fictif qui se rencontrera aux endroits mêmes où la résistance a tenu ses réunions secrètes. Il y aura une série d’activités : discussions autour de l’actualité, partage de repas, promenades, projections de films, musique live, etc. Les activités se- ront développées avec les membres du groupe."
Koki Tanaka, 18 juin 2017
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