Sojung Jun / Pernod Ricard Fellow 2016
En résidence en juillet 2016, janvier 2017 et février 2017
Sojung Jun (Corée du Sud, 1982) est diplômée d’une licence en sculpture de la Seoul National University et d’un master de la Yonsei University. Elle est reconnue pour ses vidéos et ses performances. L’artiste est intéressée par le concept de temps et par la répétition des expériences émotionnelles dans nos vies. Elle emprunte aux histoires des individus qu’elle croise et les raconte dans ses oeuvres à travers des mises en scène, des performances et des narrations en utilisant des textes anciens comme référence. Dans une de ses expositions personnelles, One Man Theater, qui a eu lieu à la Sungkyun Gallery à Séoul en 2009, Jun démontrait son intérêt pour la production d’une série de plans associés qui constituent une unité complète d’action. Dans sa série Daily Experts, en cours depuis 2009, elle propose une méditation sur la vie et l’art en jouant sur l’assemblage de tempo exclusif, de langue, de couleurs, de sons et de montage dans ses vidéos.
NOTE D’INTENTION
"En 2014, j’ai collaboré avec un accordeur de piano pour mon travail The Twelve Rooms. J’ai utilisé ses sons répétitifs d’accordage pour créer une pièce musicale, en rajoutant aux sons une teinte particulière. Inspirée par la correspondance de Wassily Kandinsky et Arnold Schoenberg, je souhaitais explorer des phénomènes plus divers ayant attrait à la synesthésie, au-delà des relations entre couleur et son. Le point fondamental à mes yeux fut alors de trouver de quelle manière partager ces expériences souvent réduites à des phénomènes anormaux ou pathologiques, et je devins curieuse de savoir comment ces expériences personnelles pourraient se constituer œuvres.
The Twelve Rooms a déclenché une nouvelle correspondance entre la curatrice Sohyun Ahn et moi-même, à travers laquelle nous avons essayé de percer les secrets de la synesthésie. Nous avons particulièrement discuté de la synesthésie graphèmes-couleurs (détectant les images des formes de l’alphabet) dans Voyelles, d’Arthur Rimbaud ; les auditions de couleurs dans l‘œuvre de Alexander Scriabin, Prométhée, Le poème du feu ; et des transpositions de formes et de sens dans la nouvelle de Thomas Bernhard Alte Meister. Nous avons exploré des notions telles que la métonymie de Roman Jakobson, qui connecte les objets sans causalité apparente par la force des différences ; et les concepts de de différence et d’intensité chez Deleuze. Nous étions intéressés par la synesthésie comme un principe de création d’œuvres, comme une méthodologie pour les créer et les apprécier. Notre éventail de références artistiques a révélé une volonté d’une investigation plus poussée sur la manière dont la synesthésie a été explorée en Europe, et plus précisément en France.
Durant un court séjour en France en 2012, j’ai été enchantée par la nouvelle de Louis Aragon, Le paysan de Paris. Le livre tente de rassembler et donner forme à une ville en changement à travers des éléments individuels et non-causaux. Étant actuellement en train de préparer un nouveau travail pour proposer une vision alternative de Séoul déchirée par le développement de projets néo-libéraux à travers le pays, je voudrais insister sur Le paysan de Paris et sur la synesthésie comme principes créatifs."
Image : Sojung Jun, The Twelve Rooms, 2014, 7’35”, vidéo, son, couleur, HD. Courtesy : Sojung Jun.
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