Akademia : Performing Life
Avec : (-)auteur, Mercedes Azpilicueta (Pernod Ricard Fellow 2017), Ieva Balode,
Yaïr Barelli, Aia Bertrand, Raymond Duncan, Ieva Epnere, Barbara Gaile,
Daiga Grantina, Myriam Lefkowitz, Mai-Thu Perret, Andrejs Strokins
Exposition du 13.01 au 24.03.2018
Commissariat de Solvita Krese, Inga Lāce (Latvian Center for
Contemporary Art) & Camille Chenais
- Flyer de l’exposition
L’Akademia, une communauté et école installée des années 1910 aux années 1970 à Paris, fut fondée par Raymond Duncan et codirigée par Aia Bertrand. Elle aspirait à créer un mode de vie synthétisant travail, arts et mouvements. À travers la présentation d’archives, d’œuvres contemporaines et d’objets produits par l’Akademia, cette exposition souhaite examiner les récits et la philosophie émanant de cette école en tant que potentielles alternatives aux modèles traditionnels d’éducation, de création et de vie communautaire, tout en questionnant la possibilité pour de telles communautés de se tourner vers l’excentricité et le radicalisme.
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L’exposition
L’exposition Akademia : Performing Life (Akademia : performer la vie) se penche sur les récits et la philosophie émanant de l’Akademia, une communauté et une école, qui, des années 1910 aux années 1970, proposait des cours de danse, d’art et d’artisanat, accueillait une galerie d’art, une maison d’édition et montait des pièces de théâtre et de danse. Fondée par Raymond Duncan (1874-1966), danseur et artiste américain, et codirigée à partir de 1920 par Aia Bertrand (1891 – 1977), danseuse et écrivaine lettone, l’Akademia fut une incarnation de leur syncrétisme idéologique qui mêlait principes socialistes, désir de raviver la Grèce antique et un mode de vie « naturel » letton. L’exposition souhaite explorer les idées incarnées par l’Akademia comme de potentielles alternatives aux modèles traditionnels d’éducation, de création et de vie communautaire. Mais, elle reconnaît et examine également le risque pour des communautés utopiques, qui suivent parfois sans esprit critique les idées d’un unique chef de file, de se tourner vers le radicalisme.
Comme défendu par Raymond Duncan dans sa philosophie connue sous le nom d’actionalisme, les activités de l’Akademia s’attachaient principalement aux actions mêmes – performances artistiques live, leçons de gymnastique travail physique – plutôt qu’à la contemplation. N’ayant jamais été systématiquement documentées, elles présentent aujourd’hui beaucoup d’énigmes aux chercheur.e.s. À l’exception de son journal mensuel, New-Paris-York, qui illustre clairement les points de vue de Raymond Duncan sur l’art et la société, les informations se révèlent sous la forme d’un puzzle mêlant les archives familiales conservées aux États-Unis, les histoires de proches et d’adeptes de Duncan, ainsi que des matériaux provenant de bibliothèques parisiennes et lettones. Au sein de l’exposition, la recherche archivistique sur l’Akademia est présentée parmi des oeuvres d’artistes invité.e.s à réfléchir sur l’héritage de la communauté, la vie d’Aia Bertrand, les notions de pédagogie alternative, d’autogestion ainsi que les liens entre art et artisanat. Travailler sur l’héritage de l’Akademia, c’est voir l’histoire devenir vivante au moment de son écriture : tissant non seulement des faits mais également des interprétations, des souvenirs, des suppositions ainsi que les voix d’artistes contemporains.
L’Akademia a occupé, au cours de ses premières années d’existence, une position importante mais souvent ambiguë dans l’écosystème artistique parisien. Comme beaucoup d’utopies collectives du début du XXe siècle, ce n’était ni un lieu de vie, ni une école au sens classique du terme, mais plutôt une communauté à géométrie variable réunie autour de Raymond Duncan et de sa philosophie et s’impliquant dans des activités comme la danse, la musique, la discussion, le tissage ou la peinture. En effet, les membres de la communauté tissaient leurs propres vêtements et produisaient des sandales en cuir de style grec et des écharpes en soie pour la vente, une dimension que Barbara Gaile retrace à travers ses soies teintes. Le travail de Mercedes Azpilicueta fait, lui, écho à la vision syncrétique de l’art développée par Duncan, avec des partitions brodées qui forment le point de départ à son travail performatif.
À 17 ans, Raymond Duncan conçut une théorie du mouvement basée sur l’économie du travail et la conscience du corps en labeur. Il développa également une méthode de gymnastique destinée à préparer les corps à la danse qu’il voyait comme un outil de salut pour l’humanité. Au cours de quatre sessions de workshop, Yaïr Barelli travaillera à réinventer et à étendre ces premières théories à travers des pratiques physiques comme le yoga et la danse, afin de créer une expérience collective ainsi qu’une trace que l’on pourrait qualifier de « pièce ». Dans Equal Tense, Ieva Balode s’inspire, elle, de danses reflétant les notions d’égalité interculturelle, sexuelle et humaine. Promouvant une vie saine et simple, un retour à la nature, une diffusion de l’art dans la vie quotidienne et une libération des normes sexuelles et familiales, Raymond Duncan s’opposait fortement à l’industrialisation, au capitalisme et au mode de vie bourgeois, qui selon lui étaient à l’origine de la déshumanisation de la vie moderne. Dans Green School, Ieva Epnere choisit de travailler sur les notions d’éducation alternative, qu’elle met en avant à travers l’exemple d’un jardin d’enfants, la Green School, installée dans la banlieue de Riga à partir de 1900, dont l’approche pédagogique résonne avec celle l’Akademia.
- Aia Bertrand et des élèves de l’Akademia, photographiés par Raymond Duncan vers 1924. Courtesy : Duncan Collection
Si l’excentricité de Raymond Duncan accaparait souvent l’attention, l’exposition met également en lumière les nombreuses vies d’Aia Bertrand, dont le rôle n’a pas encore été pleinement reconnu. Danseuse, tisserande, éditrice des publications de l’Akademia, elle dirigeait la galerie d’art, les concerts hebdomadaires, la production de sandales et les productions théâtrales. Elle était également une personnalité clef de la communauté lettone à Paris : pendant un temps, l’ambassade de Lettonie fut même accueillie dans le bâtiment de l’Akademia, lui conférant un rôle au sein de la diplomatie culturelle. Mettant en évidence les manques qui accompagnent souvent la recherche, Myriam Lefkowitz recueille des pensées sur la vie d’Aia Bertrand grâce plusieurs séances d’hypnose, puis utilise les récits ainsi créés comme points de départ pour une performance. Daiga Grantina, dans Ink waves cobble bread, évoque, elle, les bizarreries de Duncan, son image publique peu conventionnelle ainsi que la silhouette du couple qu’il formait avec Aia Bertrand. Dans cette sculpture, l’utilisation du noir
profond, du pain et de formes en courbes apparaissent comme des clins d’oeil à l’encre de la presse, à la danse et à vie quotidienne de l’Akademia.
L’Akademia organisait souvent des spectacles et débats philosophiques sur des sujets qu’elle considérait comme liés à la vie moderne ou source d’enjeux politiques (-)auteur évoque l’esprit de l’Akademia – une maison ouverte à la créativité radicale – en activant l’espace d’exposition par des performances. Andrejs Strokins cherche, lui, des similitudes visuelles entre des photographies typiques de l’entre-deux-guerres et de l’époque soviétique en Lettonie et celles des performances qui eurent lieu à l’Akademia. À travers ces juxtapositions, il tente de comprendre comment des idéologies et régimes politiques différents peuvent produire des formes esthétiques similaires.
En guise de contrepoint aux promesses utopiques des débuts de
l’Akademia, est présenté une partie du projet The Crystal Frontier de
Mai-Thu Perret qui s’attache à une communauté féministe utopique qui
combine politique féministe radicale, littérature, artisanat et avant-garde.
- Vue de l’exposition « Akademia : Performing Life », Villa Vassilieff, Paris, 2018.
Barbara Gaile, La Verticale, 2017 et des photographies provenant de la Duncan Collection.
Courtesy : Barbara Gaile and Duncan Collection.
Image : Aurélien Mole
Akademia : Perfoming Life est réalisée en collaboration avec le Latvian Centre for Contemporary Art à Riga dans le cadre du projet de recherche et d’art contemporain Portable Landscapes qui examine les récits d’artistes lettons exilés ou émigrés à Paris, New York, Berlin et en Suède, les restituant dans les contextes élargis de l’histoire de l’art au 20ème siècle, des flux de migration et de la mondialisation. L’exposition sera présentée au Latvian National Museum of Art au printemps 2018.
Akadémia : Performing Life se déploie sur deux chapitres à la Villa Vassilieff et au Latvian National Museum of Art ; l’exposition est co-produite par le Latvian Centre for Contemporary Art et Bétonsalon – Centre d’art et de recherche.
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